Comment se reconstruire après un échec

 

Pour rebondir après un échec, il faut tirer les enseignements d'une expérience douloureuse, tout en passant au crible ses atouts et ses faiblesses. Et surtout, partager son vécu avec ses proches, des associations, ainsi que d'autres dirigeants d'entreprise.

 

L'ambition de grandir. C'est le défi que tentent de relever les dirigeants qui se lancent dans l'aventure de l'entrepreneuriat. Pourtant, une étude menée par Opinion Way pour l'Association progrès du management, publiée en novembre 2011, révèle qu'une majorité de chefs d'entreprise assume difficilement leurs fonctions, tant les pressions liées à leurs missions et responsabilités sont nombreuses. « Les dirigeants de petites structures mènent plusieurs missions de front. C'est la raison pour laquelle ils n'envisagent pas assez l'échec, car ils ne prennent pas toujours suffisamment de recul sur la situation de leur société », explique Sylvie Sanchez Forsans, psychologue du travail et responsable du Capap (Centre d'applications psychologiques et d'accompagnement professionnel à Lyon). Un constat que partage Thierry Jallon, membre de l'association Re-créer qui accompagne les entreprises en difficulté : « Les dirigeants veulent aller trop vite et rencontrent souvent des problèmes de gestion. Ils n'anticipent ni les aléas d'un chantier, ni les problèmes de trésorerie », souligne-t-il.

 

Comprendre ses erreurs

Qu'il s'agisse d'un redressement judiciaire, d'une cessation de paiements ou de licenciement de salariés, les dirigeants en difficulté doivent rapidement apprendre à rebondir. Pour Thierry Jallon, la renaissance après la crise doit débuter par une période, plus ou moins longue, où le dirigeant effectue un certain nombre de travaux d'analyse et de formalisation. Le but : comprendre ses erreurs. « Cette démarche peut être accomplie seul ou collectivement au sein d'un atelier d'échanges d'expériences. Le groupe permettra d'accélérer les prises de conscience par l'émulation positive qui s'en dégage », explique Thierry Jallon, qui anime également des ateliers Rebondir Ensemble, dédiés aux entrepreneurs ayant rencontré des difficultés. Cette structure organise des tables rondes et laisse la possibilité aux patrons d'échanger avec des personnes qui ont vécu des expériences similaires. Une étape primordiale, car le dirigeant se sent généralement impuissant. « Confronté à un échec, le chef d'entreprise peut passer par différentes émotions, par exemple de la tristesse à la colère ou la peur, affirme Sylvie Sanchez-Forsans (Capap). Sa confiance en lui est éprouvée, son image de soi est dévalorisée et le dirigeant peut avoir tendance à se replier sur lui-même. Parfois, il ne communique plus. »

Christophe Barzin, ancien dirigeant d'une entreprise de bâtiment général de six salariés en Haute-Garonne, a assisté en février 2012 à la liquidation judiciaire de sa société. « Je me suis senti totalement désarmé. J'ai tenté de redresser la barre en 2010 lorsque les bénéfices de l'entreprise ont chuté, mais les prix du marché se sont tendus. J'ai alors choisi de diminuer les marges et de ne pas relever les prix de vente pour conserver les chantiers », confie-t-il. Une décision sans nul doute fatale. L'entreprise croule sous les dettes. L'artisan se tourne alors en 2010 vers un conseiller de la Chambre des métiers de Haute Garonne, puis vers un mandataire ad hoc, qui a pour mission de conseiller les entreprises en difficulté. Des solutions sont envisagées pour traverser cette période de crise. A commencer par la baisse des frais généraux de l'entreprise et la renégociation des contrats d'assurances, des contrats téléphoniques, ainsi que la réduction du nombre de véhicules utilitaires. Il négocie même avec ses clients des réductions dans les délais de paiement et leur demande des acomptes aux différents stades du chantier.

 

Echanger avec un professionnel

Si la stratégie établie a échoué, Christophe Barzin a tout de même fait preuve d'une grande lucidité. «Je conseille aux dirigeants d'échanger avec un professionnel, une fois par an, sur la situation de leur entreprise afin de repérer d'éventuels signes avant coureurs. Ils sont nombreux, comme des problèmes rencontrés avec certains fournisseurs, un manque de cohésion dans ses équipes, des retards récurrents dans la livraison, ou une perte de qualité dans le service apporté au client, assure Sylvie Sanchez-Forsans (Capap). Lorsque les problèmes sont détectés en amont, il est beaucoup plus facile de trouver des solutions. »

Le défaut majeur des personnes en situation d'échec réside dans le fait qu'elles pensent, en premier lieu, à leur collaborateur et non à leur propre personne. Les patrons estiment à tort qu'ils peuvent s'en sortir seul car ils se sont toujours débrouillés sans l'aide de personne. «La première chose à faire est de se tourner vers une association ou un coach et d'engager une discussion à la fois critique et bienveillante. Cette démarche doit se faire très rapidement. Il est primordial que le dirigeant ne se replie pas sur lui-même », défend Sylvie Sanchez-Forsans (Capap). Pour pouvoir trouver des solutions, le dirigeant doit établir un état des lieux de la situation actuelle, identifier et comprendre les raisons de son échec. Ensuite, il doit se tourner vers sa banque afin d'établir une stratégie de redressement et de rebond.

 

Réaliser un bilan de ses compétences

S'il vous semble difficile ou risqué d'endosser à nouveau le rôle de chef d'entreprise, tournez-vous vers le salariat. Pour se lancer en toute sérénité dans une nouvelle expérience professionnelle, acceptez d'être responsable ou coresponsable de la faillite de votre activité. Il y a une vertu positive de l'échec. A condition de le reconnaître. Une fois votre situation acceptée, réalisez un bilan de vos compétences. Cela vous permettra d'analyser vos faiblesses et vos atouts. Mais également de garder en mémoire les éléments de votre formation qui permettront d'apprécier les possibilités alternatives d'emploi salarié. «Les dirigeants manquent souvent de patience, tandis qu'une période de deuil dure souvent plus de six mois », analyse Sylvie Sanchez-Forsans (Capap). «Il faut impérativement tirer les enseignements pour avancer et ne pas hésiter à parler de ses problèmes professionnels et financiers à sa famille et ses proches. C'est primordial d'être entouré», conseille, pour sa part, Christophe Barzin, aujourd'hui accompagnateur socio-professionnel au sein d'un GEIQ 31, un groupement d'employeurs basé en Haute Garonne. Un emploi qu'il a déniché grâce à son réseau professionnel six mois après la liquidation de sa société. Un statut de salarié beaucoup plus confortable. Le virus d'entreprendre l'a, malheureusement, bel et bien quitté.

 

Mallory LALANNE

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